Rebonjour! Pour ceux qui ont manqué la partie 1 de mon petit cours d'histoire, j'ai trouvé un manuel de sages-femmes datant de 1758 le week-end dernier, et j'ai trouvé le contenu si intéressant que j'ai décidé d'en parler. Il a été écrit par une sage-femme française du nom de Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray (1712-1792) afin d'éduquer les sages-femmes à travers la France, qui souvent n'avaient pas vraiment de formation concrète.
La première partie traitait de la grossesse et des soins prodigués aux femmes durant cette période. Celle-ci parle de l'accouchement lui-même.
Comme le corps et les fonctions biologiques de l'être humain n'ont pas changé depuis 250 ans, on peut en déduire que le processus de l'accouchement reste le même. La façon de traiter la parturiente et d'aborder l'accouchement a par contre beaucoup changé. Ce que j'observe, c'est que les gens qui s'occupaient des accouchements à l'époque, étaient aussi persuadés que ceux d'aujourd'hui que LEUR facon de faire était la bonne et qu'ils avaient raison. Il n'y avait pas beaucoup de place au questionnement ou au changement. Pas pour rien que les choses ont pris autant de temps à changer. Aujourd'hui encore, le fait de questionner les façons de faire et les protocoles est très mal vu. Je me rend aussi compte que la façon de traiter la parturiente est assez similaire. C'est-à-dire comme une patiente qu'il faut délivrer de son mal, et qui n'est pas qualifiée pour savoir ce qui est bon ou non pour elle.
Sans plus attendre, voici un premier extrait du livre de Madame Le Boursier Du Coudray, tiré du chapitre intitulé De la préparation à l'Accouchement naturel. Veuillez noter que j'ai respecté l'orthographe et les expressions du livre, ce qui explique les temps de verbes bizarres et les mots écrits de façon différente:
«L'accouchement est dit naturel, lorsque l'enfant vient au terme de neuf mois, que sa sortie n'est précédée d'aucun accident fâcheux, que la tête se présente la première & toute seule, & que les eaux s'écoulent quelques moments avant sa sortie. En un mot, on appelle Accouchements naturels, ceux qui se passent selon les regles prescrites par la nature à toutes les femmes et qui finissent heureusement; & on donne le nom d'Accouchements contre nature à ceux qui sont accompagnés d'accidents extraordinaires, & qui se terminent souvent malheureusement pour la mère et l'enfant. [...]
On connoîtra que la femme est en travail, & que les douleurs annoncent un prochain accouchement, si elles proviennent des reins, & qu'elles répondent du bas du ventre, s'il s'écoule de la partie des humidités glaireuses, quelquefois sanguinolentes, & si l'orifice de la matrice se trouve dilaté et éminci. [...]
Lorsqu'il se présente mal, si l'on est appelée assez tôt pour qu'il ne se trouve point engagé dans le passage, on donnera à la femme un lavement, pour vuider l'intestin rectum, le passage se trouvant plus dégagé, l'enfant sortira plus aisément. S'il y a du temps que la femme a été saignée, & qu'elle ne soit pas trop foible, on lui fera tirer deux palette de sang. Cette précaution est très utile pour lui rendre la respiration plus aisée, la matrice plus souple, & plus disposée à se dilater, & on prévoit par ce moyen la perte qui pourroit suivre l'accouchement. [...]
Lorsqu'au contraire on aura lieu de croire que les douleurs sont véritables, & qu'elles annoncent un accouchement prochain, on fera mettre la femme au lit, méthode infiniment meilleure que celle qu'on a dans les Campagnes, qui est de la faire tenir suspendue en l'air, présumant qu'elle accouchera plutôt. On ignore le danger auquel on l'expose en la mettant dans cette situation, qui menace d'une perte inévitable, outre qu'en la délivrant dans cette attitude, on risqueroit d'entraîner le fond de la matrice avec l'arriere-faix. [...] Le lit doit être suffisamment garni, sur-tout du côté des pieds, parce que l'accouchement étant fait, on n'aura qu'à tirer la femme en haut, & elle se trouvera à sec.
L'on doit se donner de garde de faire user à la femme pendant son travail, d'aucune boisson capable de l'échauffer, comme de vin pur, ou autre liqueur spiritueuse, car on pourroit exciter une perte, & même la fievre. On doit lui faire prendre simplement un peu de vin bien trempé, ou de la nourriture légère, pour ne point trop charger l'estomac. On aura attention que l'air de la chambre ne soit point trop froid, en un mot, on tâchera de tenir la femme le plus chaudement qu'il sera possible, de crainte que le froid ralentisse ses douleurs.
L'on doit éviter de toucher trop souvent la femme, comme bien des gens le font, croyant par là aider, au lieu qu'on ne fait au contraire que a fatiguer, & souvent irriter ses parties, qui se tuméfient aisément. On doit craindre aussi qu'à force d'avoir les doigts dans l'orifice, on ne perce trop tôt les membranes, ce qui rendroit l'accouchement laborieux. L'on se contentera d'oindre le doigt de beurre non salé, ou d'huile, & on le promenera tout autour de l'orifice pour faciliter la dilatation. [...]
On doit aussi lui demander si elle ne se trouve point gênée par quelque personne présente à l'accouchement, car si cela étoit, il faudroit engager à sortir la personne qui la gêne: la peine causée par la vue de quelqu'un, peut lui faire retenir les douleurs, & l'exposer à quelque danger.
Une circonstance qui n'est point à négliger, c'est de faire garnir la tête de la femme avant qu'elle n'accouche; elle peut se peigner, & si elle mettoit de la poudre, elle observera qu'elle n'eût point d'odeur, elle doit avoir de bons bonnets, & de grosses cornettes, & s'accomoder la tête de manière qu'elle n'y sente point de froid, & qu'elle puisse être douze ou quinze jours sans y toucher.» p. 50-56
Malgré le fait que la plupart des pratiques de l'époque laissent à désirer, je trouve chouette que madame Du Coudray avait déjà compris des choses comme l'inutilité de faire trop d'examens vaginaux, que la gêne causée par la présence de certaines personnes à l'accouchement peut ralentir le travail, et qu'il est important de s'assurer avec la femme si elle se sent à l'aise avec les personnes présentes. Ces deux choses sont encore vraies aujourd'hui, même si elles ne sont pas (encore) toujours respectées.
Et maintenant, des extraits du chapitre intitulé De l'accouchement naturel:
«Après avoir observé les ménagements dont je viens de parler, on aidera la femme de la manière suivante. Si les douleurs augmentent, que le visage soit animé, le ventre baissé, le pouls élevé, l'orifice dilaté au moins de la largeur d'un écu de six livres, les bords très-émincis, les eaux bien tombées, surtout dans les douleurs, la tête de l'enfant les suivant de près par les efforts que la femme ne peut s'empêcher de faire pour pousser en bas, toutes ces circonstances annoncent un accouchement prochainm sur-tout aux femmes qui ont eu des enfants, car le passage ayant déjà été frayé, l'enfant trouve plus de facilité pour sa sortie. On ne doit plus quitter la femme, c'est aussi le moment où elle a le plus besoin de secours. On la fera coucher la tête & la poitrine un peu élevés, pour faciliter la respiration, on lui hausera un peu le fondement, en mettant un petit oreiller sous les fesses, crainte que la partie se trouvant trop en dessous, la sortie de l'enfant ne devînt trop difficile. On lui écartera les genoux, & on les fera tenir par quelqu'un, qui empêchera qu'elle ne les rapproche pendant la sortie de l'enfant, les jambes seront pliées, & les talons approchés des fesses.
En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement qu'il est possible: son état douloureux y engage; mais il faut le faire d'un air de gaieté & qui ne lui inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter toutes les chuchoteries à l'oreille, qui ne pourroient que l'inquiéter, & lui faire craindre des suites fâcheuses. On doit lui parler de Dieu, & l'engager à le remercier de l'avoir mise hors de péril. Il faut éviter de lui faire des actes qui ne pourroient que la contrister. Si elle a recours à des reliques, il faut lui représenter qu'elles seront tout aussi efficaces, étant mises sur le lit voisin, que si on les posoit sur elle-même, ce qui pourroit la gêner.
[...] Les eaux étant retenues dans les membranes, & la poche qu'elles forment, s'avançant toujours au point de sortir de la partie, la tête de l'enfant suivra de près, la matrice se trouvant assez dilatée pour ne plus la retenir, comme elle faisoit dans le commencement, l'orifice ceignant alors la tête, comme une espece de couronne, c'est por lors qu'on dit que l'enfant est au couronnement. Après avoir laissé passer quelques douleurs, on se déterminera à percer les membranes, ce qui doit se faire dans le moment de l'effort, ou de la douleur, & l'enfant sort souvent en même temps, rien ne s'opposant à sa sortie. On se servira pour les percer, du bout du doigt, d'un gros grain de sel, ou de la pointe d'un cure-dent, évitant d'employer la pointe de ciseaux, ou tout autre instrument trop aigu, capable de blesser l'enfant.
On ne doit point mettre la femme à découvert, comme plusieurs le font, si l'on ne rougit point de l'indécence qu'il y a de la laisser ainsi nue, exposée à la vue des spectateurs, on doit au moins la cacher avec soin pour garantir ses parties de l'impression du froid, qui pourront lui être préjudiciable; d'ailleurs la vu en ces cas-là nous est inutile, puisque ce sont nos mains qui doivent sentir, & nous faire distinguer ce qui se passe. [...]
Lorsque l'enfant paroîtra disposé à sortir, on tiendra une main de chaque côté de la partie, pour que les pouces en les applatissant l'écartent à mesure que l'enfant s'avancera, & l'on repoussera les grandes levres pendant la sortie. La tête étant sortie, il faut le retenir tout de suite, en glissant les doigts sous la mâchoire, sans prendre la tête par les oreilles, crainte de les arracher, ce qui est arrivé plus d'une fois. [...] Quoique le plus fort soit fait, l'enfant n'est pas hors d'affaire, il trouve souvent de la résistance à l'entrée de ce conduit; les nymhes & les grandes levres ne prêtant point assez pour permettre sa sortie. La tête de l'enfant se présente, on la voit, & elle ne peut se débarrasser sans le secours d'une habile Sage-femme, ou d'un Accoucheur qui, avec ses deux mains, qu'il glisse entre la tête et les grandes lèvres, les oblige à s'écarter pour la laisser avancer: alors coulant les doigts jusques sous les mâchoires de l'enfant, il le tire dehors; mais il ne suffit pas que la tête soit sortie, il est nécessaire que les épaules suivent. Il ne faut pas tirer la tête avec trop de violence, [...] on doit la tirer un peu à droite pour dégager une épaule, & ensuite à gauche pour faire venir l'autre, & si l'on ne peut réussir par ce moyen, il faut couler deux doigts le long du col jusqu'à une des aisselles, pour débarrasser l'autre; de cette maniere les épaules étant passées, les reste du corps suit sans peine. » P.56-63
Je trouve génial de voir que même à cette époque, Madame Le Boursier Du Coudray (et probablement d'autres) avait compris l'importance que la femme se sente en sécurité, rassurée et en confiance, pour lui éviter de stresser. Elle avait probablement fait le lien entre les femmes anxieuses et stressées et les accouchements difficiles. Par contre, je continue à avoir des frissons par son passage sur les oreilles arrachées...arkkkkk comment quelqu'un a-t-il pu faire si peu attention pour se rendre là!?!?!?
Le livre contient aussi beaucoup de passages sur des cas spéciaux d'accouchements problématiques, surtout par rapport au mauvais positionnement de l'enfant. mon billet étant déjà assez long, je n'en parlerai pas trop, mais comme les césariennes n'étaient pas monnaie courante et n'étaient que pratiquées lorsque tout espoir de survie pour la mère était abandonné, les sages-femmes devaient tenter de régler le problème avec les moyens du bord. Règle générale, si les manoeuvres de repositionnement ou de version à l'extérieur du ventre ne fonctionnaient pas elles inséraient leur main dans l'utérus et tentaient de retourner le bébé en l'attrapant par les pieds ou par la tête pour le re-diriger vers la sortie. malheureusement, à cause du manque de ressources et de moyens, rares étaient les naissances ''contre-nature'', qui finissaient bien. Elle suggère aussi dans son livre de s'en remettre à l'expertise d'un médecin ou d,un chirurgien si la situation est trop problématique, mais la plupart du temps, tout ce qu'ils faisaient c'était faire couler plus du sang et les achever plus vite.
Mon prochain billet, la partie 3, sera sur les soins donnés au nouveaux-né et sur l'allaitement ou le choix de la nourrice.
À la prochaine!
source:
Le Boursier Du Coudray, Angélique Marguerite, Abrégé de l'art des accouchements, Bouchard libraire, imprimeur du Roi, 1758, ré-édition de 1773, ré-imprimé en 1976 par les éditions Roger Dacosta, 185 pages
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La première partie traitait de la grossesse et des soins prodigués aux femmes durant cette période. Celle-ci parle de l'accouchement lui-même.
Comme le corps et les fonctions biologiques de l'être humain n'ont pas changé depuis 250 ans, on peut en déduire que le processus de l'accouchement reste le même. La façon de traiter la parturiente et d'aborder l'accouchement a par contre beaucoup changé. Ce que j'observe, c'est que les gens qui s'occupaient des accouchements à l'époque, étaient aussi persuadés que ceux d'aujourd'hui que LEUR facon de faire était la bonne et qu'ils avaient raison. Il n'y avait pas beaucoup de place au questionnement ou au changement. Pas pour rien que les choses ont pris autant de temps à changer. Aujourd'hui encore, le fait de questionner les façons de faire et les protocoles est très mal vu. Je me rend aussi compte que la façon de traiter la parturiente est assez similaire. C'est-à-dire comme une patiente qu'il faut délivrer de son mal, et qui n'est pas qualifiée pour savoir ce qui est bon ou non pour elle.
Sans plus attendre, voici un premier extrait du livre de Madame Le Boursier Du Coudray, tiré du chapitre intitulé De la préparation à l'Accouchement naturel. Veuillez noter que j'ai respecté l'orthographe et les expressions du livre, ce qui explique les temps de verbes bizarres et les mots écrits de façon différente:
«L'accouchement est dit naturel, lorsque l'enfant vient au terme de neuf mois, que sa sortie n'est précédée d'aucun accident fâcheux, que la tête se présente la première & toute seule, & que les eaux s'écoulent quelques moments avant sa sortie. En un mot, on appelle Accouchements naturels, ceux qui se passent selon les regles prescrites par la nature à toutes les femmes et qui finissent heureusement; & on donne le nom d'Accouchements contre nature à ceux qui sont accompagnés d'accidents extraordinaires, & qui se terminent souvent malheureusement pour la mère et l'enfant. [...]
On connoîtra que la femme est en travail, & que les douleurs annoncent un prochain accouchement, si elles proviennent des reins, & qu'elles répondent du bas du ventre, s'il s'écoule de la partie des humidités glaireuses, quelquefois sanguinolentes, & si l'orifice de la matrice se trouve dilaté et éminci. [...]
Lorsqu'il se présente mal, si l'on est appelée assez tôt pour qu'il ne se trouve point engagé dans le passage, on donnera à la femme un lavement, pour vuider l'intestin rectum, le passage se trouvant plus dégagé, l'enfant sortira plus aisément. S'il y a du temps que la femme a été saignée, & qu'elle ne soit pas trop foible, on lui fera tirer deux palette de sang. Cette précaution est très utile pour lui rendre la respiration plus aisée, la matrice plus souple, & plus disposée à se dilater, & on prévoit par ce moyen la perte qui pourroit suivre l'accouchement. [...]
Lorsqu'au contraire on aura lieu de croire que les douleurs sont véritables, & qu'elles annoncent un accouchement prochain, on fera mettre la femme au lit, méthode infiniment meilleure que celle qu'on a dans les Campagnes, qui est de la faire tenir suspendue en l'air, présumant qu'elle accouchera plutôt. On ignore le danger auquel on l'expose en la mettant dans cette situation, qui menace d'une perte inévitable, outre qu'en la délivrant dans cette attitude, on risqueroit d'entraîner le fond de la matrice avec l'arriere-faix. [...] Le lit doit être suffisamment garni, sur-tout du côté des pieds, parce que l'accouchement étant fait, on n'aura qu'à tirer la femme en haut, & elle se trouvera à sec.
L'on doit se donner de garde de faire user à la femme pendant son travail, d'aucune boisson capable de l'échauffer, comme de vin pur, ou autre liqueur spiritueuse, car on pourroit exciter une perte, & même la fievre. On doit lui faire prendre simplement un peu de vin bien trempé, ou de la nourriture légère, pour ne point trop charger l'estomac. On aura attention que l'air de la chambre ne soit point trop froid, en un mot, on tâchera de tenir la femme le plus chaudement qu'il sera possible, de crainte que le froid ralentisse ses douleurs.
L'on doit éviter de toucher trop souvent la femme, comme bien des gens le font, croyant par là aider, au lieu qu'on ne fait au contraire que a fatiguer, & souvent irriter ses parties, qui se tuméfient aisément. On doit craindre aussi qu'à force d'avoir les doigts dans l'orifice, on ne perce trop tôt les membranes, ce qui rendroit l'accouchement laborieux. L'on se contentera d'oindre le doigt de beurre non salé, ou d'huile, & on le promenera tout autour de l'orifice pour faciliter la dilatation. [...]
On doit aussi lui demander si elle ne se trouve point gênée par quelque personne présente à l'accouchement, car si cela étoit, il faudroit engager à sortir la personne qui la gêne: la peine causée par la vue de quelqu'un, peut lui faire retenir les douleurs, & l'exposer à quelque danger.
Une circonstance qui n'est point à négliger, c'est de faire garnir la tête de la femme avant qu'elle n'accouche; elle peut se peigner, & si elle mettoit de la poudre, elle observera qu'elle n'eût point d'odeur, elle doit avoir de bons bonnets, & de grosses cornettes, & s'accomoder la tête de manière qu'elle n'y sente point de froid, & qu'elle puisse être douze ou quinze jours sans y toucher.» p. 50-56
Malgré le fait que la plupart des pratiques de l'époque laissent à désirer, je trouve chouette que madame Du Coudray avait déjà compris des choses comme l'inutilité de faire trop d'examens vaginaux, que la gêne causée par la présence de certaines personnes à l'accouchement peut ralentir le travail, et qu'il est important de s'assurer avec la femme si elle se sent à l'aise avec les personnes présentes. Ces deux choses sont encore vraies aujourd'hui, même si elles ne sont pas (encore) toujours respectées.
Et maintenant, des extraits du chapitre intitulé De l'accouchement naturel:
«Après avoir observé les ménagements dont je viens de parler, on aidera la femme de la manière suivante. Si les douleurs augmentent, que le visage soit animé, le ventre baissé, le pouls élevé, l'orifice dilaté au moins de la largeur d'un écu de six livres, les bords très-émincis, les eaux bien tombées, surtout dans les douleurs, la tête de l'enfant les suivant de près par les efforts que la femme ne peut s'empêcher de faire pour pousser en bas, toutes ces circonstances annoncent un accouchement prochainm sur-tout aux femmes qui ont eu des enfants, car le passage ayant déjà été frayé, l'enfant trouve plus de facilité pour sa sortie. On ne doit plus quitter la femme, c'est aussi le moment où elle a le plus besoin de secours. On la fera coucher la tête & la poitrine un peu élevés, pour faciliter la respiration, on lui hausera un peu le fondement, en mettant un petit oreiller sous les fesses, crainte que la partie se trouvant trop en dessous, la sortie de l'enfant ne devînt trop difficile. On lui écartera les genoux, & on les fera tenir par quelqu'un, qui empêchera qu'elle ne les rapproche pendant la sortie de l'enfant, les jambes seront pliées, & les talons approchés des fesses.
En attendant le moment de délivrer la femme, on doit la consoler le plus affectueusement qu'il est possible: son état douloureux y engage; mais il faut le faire d'un air de gaieté & qui ne lui inspire aucune crainte de danger. Il faut éviter toutes les chuchoteries à l'oreille, qui ne pourroient que l'inquiéter, & lui faire craindre des suites fâcheuses. On doit lui parler de Dieu, & l'engager à le remercier de l'avoir mise hors de péril. Il faut éviter de lui faire des actes qui ne pourroient que la contrister. Si elle a recours à des reliques, il faut lui représenter qu'elles seront tout aussi efficaces, étant mises sur le lit voisin, que si on les posoit sur elle-même, ce qui pourroit la gêner.
[...] Les eaux étant retenues dans les membranes, & la poche qu'elles forment, s'avançant toujours au point de sortir de la partie, la tête de l'enfant suivra de près, la matrice se trouvant assez dilatée pour ne plus la retenir, comme elle faisoit dans le commencement, l'orifice ceignant alors la tête, comme une espece de couronne, c'est por lors qu'on dit que l'enfant est au couronnement. Après avoir laissé passer quelques douleurs, on se déterminera à percer les membranes, ce qui doit se faire dans le moment de l'effort, ou de la douleur, & l'enfant sort souvent en même temps, rien ne s'opposant à sa sortie. On se servira pour les percer, du bout du doigt, d'un gros grain de sel, ou de la pointe d'un cure-dent, évitant d'employer la pointe de ciseaux, ou tout autre instrument trop aigu, capable de blesser l'enfant.
On ne doit point mettre la femme à découvert, comme plusieurs le font, si l'on ne rougit point de l'indécence qu'il y a de la laisser ainsi nue, exposée à la vue des spectateurs, on doit au moins la cacher avec soin pour garantir ses parties de l'impression du froid, qui pourront lui être préjudiciable; d'ailleurs la vu en ces cas-là nous est inutile, puisque ce sont nos mains qui doivent sentir, & nous faire distinguer ce qui se passe. [...]
Lorsque l'enfant paroîtra disposé à sortir, on tiendra une main de chaque côté de la partie, pour que les pouces en les applatissant l'écartent à mesure que l'enfant s'avancera, & l'on repoussera les grandes levres pendant la sortie. La tête étant sortie, il faut le retenir tout de suite, en glissant les doigts sous la mâchoire, sans prendre la tête par les oreilles, crainte de les arracher, ce qui est arrivé plus d'une fois. [...] Quoique le plus fort soit fait, l'enfant n'est pas hors d'affaire, il trouve souvent de la résistance à l'entrée de ce conduit; les nymhes & les grandes levres ne prêtant point assez pour permettre sa sortie. La tête de l'enfant se présente, on la voit, & elle ne peut se débarrasser sans le secours d'une habile Sage-femme, ou d'un Accoucheur qui, avec ses deux mains, qu'il glisse entre la tête et les grandes lèvres, les oblige à s'écarter pour la laisser avancer: alors coulant les doigts jusques sous les mâchoires de l'enfant, il le tire dehors; mais il ne suffit pas que la tête soit sortie, il est nécessaire que les épaules suivent. Il ne faut pas tirer la tête avec trop de violence, [...] on doit la tirer un peu à droite pour dégager une épaule, & ensuite à gauche pour faire venir l'autre, & si l'on ne peut réussir par ce moyen, il faut couler deux doigts le long du col jusqu'à une des aisselles, pour débarrasser l'autre; de cette maniere les épaules étant passées, les reste du corps suit sans peine. » P.56-63
Je trouve génial de voir que même à cette époque, Madame Le Boursier Du Coudray (et probablement d'autres) avait compris l'importance que la femme se sente en sécurité, rassurée et en confiance, pour lui éviter de stresser. Elle avait probablement fait le lien entre les femmes anxieuses et stressées et les accouchements difficiles. Par contre, je continue à avoir des frissons par son passage sur les oreilles arrachées...arkkkkk comment quelqu'un a-t-il pu faire si peu attention pour se rendre là!?!?!?
Voici deux des multiples figures qui se trouvent dans le livre de Madame Le Boursier Du Coudray
Le livre contient aussi beaucoup de passages sur des cas spéciaux d'accouchements problématiques, surtout par rapport au mauvais positionnement de l'enfant. mon billet étant déjà assez long, je n'en parlerai pas trop, mais comme les césariennes n'étaient pas monnaie courante et n'étaient que pratiquées lorsque tout espoir de survie pour la mère était abandonné, les sages-femmes devaient tenter de régler le problème avec les moyens du bord. Règle générale, si les manoeuvres de repositionnement ou de version à l'extérieur du ventre ne fonctionnaient pas elles inséraient leur main dans l'utérus et tentaient de retourner le bébé en l'attrapant par les pieds ou par la tête pour le re-diriger vers la sortie. malheureusement, à cause du manque de ressources et de moyens, rares étaient les naissances ''contre-nature'', qui finissaient bien. Elle suggère aussi dans son livre de s'en remettre à l'expertise d'un médecin ou d,un chirurgien si la situation est trop problématique, mais la plupart du temps, tout ce qu'ils faisaient c'était faire couler plus du sang et les achever plus vite.
Mon prochain billet, la partie 3, sera sur les soins donnés au nouveaux-né et sur l'allaitement ou le choix de la nourrice.
À la prochaine!
source:
Le Boursier Du Coudray, Angélique Marguerite, Abrégé de l'art des accouchements, Bouchard libraire, imprimeur du Roi, 1758, ré-édition de 1773, ré-imprimé en 1976 par les éditions Roger Dacosta, 185 pages
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Bonjour ! J'aimerais connaître l'origine (la source) de l'image représentant une parturientes en couches. Merci !
ReplyDeleteJ. Duchesne Vous pouvez me rejoindre à cette adresse courriel musee_misericorde@yahoo.ca