Réhabiliter en soi, l’inestimable valeur d’être maman


Rebonjour! Comme je n'ai pas publié depuis un bon moment, aujourd'hui je vous fait un deux pour un!! Ce deuxième texte est une magnifique réflexion par Madeleine Vallée, bloggeuse invitée qui se trouve aussi être ma Maman. Bonne lecture!

«Des babillages d’enfants attirent notre attention et suspendent le cours des conversations. Les têtes se tournent et les regards s’émeuvent. Il suffit d’un rire esquissé par le poupon de trois mois pour attiser les sourires. Qui peut résister à l’enthousiasme d’un tout-petit ?

Sous la table, la grande sœur de 3 ans se construit une maison entre les pieds des grands. Des oursons en peluche prennent un thé imaginaire, pendant que les adultes partagent un repas de famille, en ce dimanche midi d’automne.

Bientôt, les échanges convergent vers les gloires et surtout les vicissitudes de la maternité. Deux jeunes mamans, leur bébé au sein, discutent de la fatigue de l’allaitement, du peu de répit entre les boires, de leur vie complètement centrée sur les exigences du nourrisson; de leur vie complètement chamboulée bien au-delà de leur anticipation.

Assise à l’une des extrémités de cette belle tablée, j’écoute, je regarde et je me souviens.
Ces propos me ramènent 20 ans en arrière, au moment du maternage de mes jeunes enfants. Le temps a filé si rapidement, et voici notre progéniture déjà plongée dans le tourbillon de la vie de famille. Il me semble qu’hier encore nos jeunes discutaient cinéma et nouvelles tendances et non pas de couches lavables et d’essoufflement parental.

Ce qui me saisit dans le ton et les propos, c’est la similitude des préoccupations et des écueils…20 ans plus tard. Et j’ai le cœur qui se serre.

Je me revois. Jeune professionnelle harponnée par la maternité et ses secousses, nullement préparée à ce tourbillon qui m’avait déporté… en dehors de ma zone de contrôle.

Jeune femme, féministe militante et renseignée, j’avais abordé la maternité comme une extension normale de ma vie de femme active. La carrière bien amorcée, l’amoureux bien engagé, il allait de soi de céder à ce désir inopiné d’enfant et de faire un peu de place pour passer de la vie de couple à la vie de famille, de troquer l’appartement pour la maison et la voiture compacte pour la fourgonnette. Je pouvais gérer ou, plus précisément, j’avais l’illusion que nous, mon conjoint et moi, pourrions gérer tout ça aisément, comme le font tous les couples. Facile. Banal. Les bébés viennent au monde depuis toujours, non?

Flashback: Maman Madeleine et bébé Laurie
ERREUR. La réalité m’a complètement déstabilisée. D’abord, le douloureux constat que la mise au monde d’un enfant devient d’abord la responsabilité à temps complet ... seconde après seconde, de la mère. Malgré mon discours féministe bien ficelé et la conviction d’avoir un couple ouvert et un père concerné, j’ai rapidement réalisé que la gestion familiale repose sur les épaules de la maman…avec le concours de papa. Elle assume, lui participe. La nuance est sidérale. On devient maman avec toutes les fibres de notre corps et on ne l’oublie pas un seul instant. Dans la tête d’une mère, il n’y a pas de compartiments étanches entre le bien-être des rejetons et les autres occupations; tout cumul et s’amoncelle.

J’écoute ces nouvelles mamans partager les mêmes constats, la même cinglante désillusion : les rôles parentaux ne sont pas interchangeables. Il y a bel et bien un déterminisme féminin tout à fait distinctif et instinctif.

J’avais espéré que mes illusions dataient d’une époque révolue et que les jeunes femmes étaient désormais plus à l’aise dans la prise en charge de leur maternité, comme partie intégrante de leur féminité. Et en ce sens, elles auraient opposé moins de résistance à vivre pleinement leur maternage, sans crainte de sombrer dans un total abrutissement ou d’avoir à rattraper ce précieux temps volé à leur réussite professionnelle.

Je l’avais espéré, car avec le recul, j’ai pleinement réalisé que si j’avais été mieux préparée à la vie de mère, j’aurais vécu si différemment cette intense période de ma vie. Au lieu de subir, j’aurai accueilli. Au lieu de fléchir sous la litanie des tâches à accomplir, des corvées à effectuer, j’aurai accepté cette réelle métamorphose sans crainte de me perdre, sans me sentir totalement aspirée.

Je me suis fait violence, par pur conditionnement. J’ai voulu tout accomplir de front, élever mes enfants, rester intellectuellement à jour, offrir une prestation professionnelle soutenue, contribuer équitablement au revenu familial etc. Tout absorber et tout réussir sans accepter de m’arrêter, sans m’accorder le droit de choisir et surtout de me déculpabiliser, en me concentrant prioritairement au bien-être de ma marmaille, le temps requis. Être mère, complètement et totalement présente, de corps et d’esprit.

Je constate, en regardant ces nouvelles mamans, en écoutant leurs craintes et leurs aspirations écartelées entre bébé et boulot, que nous avons encore, comme société, des changements majeurs à effectuer pour que les mères soient valorisées et surtout pour qu’au tréfonds d’elles-mêmes ces déchirements et ces désillusions cessent de les accabler.

Le poids des mémoires collectives et de la dévalorisation du rôle de mère sont encore si lourdement incrustés dans notre psyché. Malheureusement. Car cela détourne les jeunes mères de l’infinie richesse d’être présente, tout entière, à leurs jeunes enfants, sans vouloir fuir par crainte d’esquinter leur identité. L’énergie déployée à contrer cette dichotomie intérieure draine une énergie foudroyante!

Je rêve que tout ce potentiel soit redirigé vers les femmes, vers leur bien-être, pour qu’elles se choisissent en tout premier lieu et s’accordent tout le crédit et la profonde valeur qu’être mère et materner ses enfants représente. Cela est d’une inestimable valeur, pour tous.
Or, elles seules peuvent s’accorder ce mérite, contrecarrer le poids de notre histoire et des valeurs actuelles, car rien de les prédisposent favorablement au rôle édifiant qu’être mère signifie dans le parcours d’une femme. Bien au contraire.

Devenir mère ne va pas de soi, comme on le présuppose. Il faut s’y préparer.

Cette étape préparatoire à la naissance s’apparente à une réelle réhabilitation de la maternité dans le corps, le cœur et l’a psyché des femmes. Cela s’impose, pour enfin s’extraire du carcan culpabilisant de la performance et s’abandonner, au lieu de résister, aux transformations qu’opère la naissance dans la vie de toute femme.

Chaque maman en devenir devrait faire le vide du poids de ses mémoires, de son lourd héritage socioculturel et familial pour créer un espace intérieur favorable, sécurisant et indulgent; pour s’accorder l’espace affectif et le temps d’être totalement maman, de vivre avec plénitude et puissance cette facette si importante de sa féminité.

Aujourd’hui, j’ai l’âge et le statut de grand-mère et c’est avec un indicible plaisir que je me glisse sous la table pour aller prendre le thé avec les oursons et notre adorable hôtesse, et je sirote tout doucement mon breuvage imaginaire en ne voulant pas en occulter un seul instant.

Je ne peux recréer les moments perdus avec mes enfants alors que j’étais présente de corps, mais l’esprit et le cœur lessivé par tant d’aberrants paradigmes. Les tout-petits nous ancrent dans le moment présent, dans l’ici et maintenant, car le bonheur ne se reporte pas, ne se bouscule pas. Il se vit dans le lâcher prise et l’instantané; dans ces retrouvailles primordiales avec soi-même, dans l’appréciation du grandiose d’être femme.

Et c’est ainsi, à l’issu de ce travail tardif de libération de mes mémoires et de revalorisation de ma féminité, que je choisis maintenant de cultiver précieusement mon inestimable valeur de grand-maman.»

Madeleine Vallée

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