Voici une version abrégée du travail de recherche de Julie
Charbonneau dans le cadre de la formation d’accompagnante à la naissance du
centre Pleine Lune. Elle éclaircit le cas de l’induction du travail et
s’interroge sur la sur-utilisation
et les risques de cette intervention, qu’elle a elle-même vécue à deux
reprises.
Introduction :
L’induction, communément appelée
déclenchement artificiel du travail est une pratique de plus en
plus courante en obstétrique.
C’est aussi une façon pour le moins radicale de couper court à une grossesse.
Oui elle peut sauver la vie du bébé lorsque la grossesse ne se passe pas comme
prévu mais, dans les autres cas est-elle toujours appropriée? Pourquoi
aujourd’hui, y a-t-il autant de déclenchements? Voici quelques explications sur
l’induction pour ainsi mieux comprendre cette intervention…
Qu’est-ce qu’une induction :
C’est le fait de déclencher de
façon artificielle le début du travail menant à l’accouchement. Ce peut être
fait de façon mécanique ou hormonale.
Comment induire le travail
L’accouchement pour être provoqué
de multiples façons
Mécaniquement :
· Sonde Foley ou ballonnet, pour faire dilater le col. Le ballonnet est
alors gonflé à l’aide d’un seringue remplie d’eau, jusqu’à former une petite
sphère de 3 cm de diamètres. La sonde peut être gonflée ou retirée à tout
moment si elle cause un problème, ce qui n’est pas le cas avec un médicament un
fois administré
· Décollement des membranes (stripping) souvent proposé injustement à
partir de la 38 semaine de grossesse
· Rupture artificielle des membranes (on perce la poche des eaux)
Hormonalement :
· Gel de prostaglandines (le
cervidil) : tampon contenant de
l’hormone synthétique pouvant être inséré dans le vagin, derrière le col. Le
tampon diffuse graduellement la prostaglandine durant une douzaine d’heures.
· Prepidil : solution hydrosoluble (gel) contenant de la prostaglandine de
synthèse. Le gel est appliqué à l’intérieur ou à l’extérieur du col à l’aide
d’une seringue. Peut-être réappliqué après 6 heures
· Cytotec : Le misoprostol n’a pas été approuvé pour le déclenchement du
travail par la Direction des produits thérapeutiques de santé canada et par la
FDA américaine. Toutefois, il faut savoir qu’elle est tout de même utilisée à
cette fin dans certaines régions des États-Unis et du monde
· Injection d’ocytocine
artificielle (syntocinon, Pitocin)
Les raisons médicales d’une induction
·
Dépassement du terme
·
Quand le bébé marque un
arrêt de croissance dans l’utérus tout en étant assez prêt du terme qu’il soit
plus sécuritaire de l’en sortir un peu plus tôt
·
Lorsqu’il y a condition
médicale ex : diabète gestationnel non contrôlé, risque de prééclampsie,
haute pression non contrôlée, etc.
·
Grossesse gémellaire
·
Rupture des membranes sans
contractions
·
Bébé de poids important
·
Convenance de la mère et
du personnel médical
Les raisons médicales ci haut
mentionnées sont parfois discutables quant à leur pertinence. A partir de la 40e
semaine de grossesse, le médecin vous fixe une date pour induire le travail.
(Il est bon de noter qu’une grossesse dite normale dure en moyenne de 37 à 42
semaines). Cette intervention majeure est certainement justifiée quand des
raisons sérieuses exigent de terminer la grossesse. D’ailleurs, l’OMS dit
ceci : «L’accouchement de devrait pas
être provoqué par commodité et il ne faudrait procéder au déclenchement
artificiel du travail qu’en présence d’indications médicales précises. Aucune
région géographique ne devrait enregistrer des taux de déclenchement artificiel
du travail supérieurs à 10 %».
Qu’en est-il des risques
Le seul avantage de l’induction
est quand la santé de la mère et du bébé est en danger. Sinon ce n’est pas rare
de voir suivre une cascade d’intervention
· Multiplie par 2 le risque de césarienne pour une primipare (premier bébé)
· Multiplie par 5 le risque de césarienne chez les femmes ayant déjà
accouché par voie vaginale et dont le col n’est pas prêt
· La prostaglandine et l’ocytocine synthétique peuvent provoquer une
hyperstimulation utérine pouvant causer une souffrance fœtale
· L’usage de l’ocytocine artificielle augmente le risque d’hémorragie
post-partum et de jaunisse néonatale
· Risques liés à la rupture artificielle de la poche des eaux
· Besoin accru d’autres interventions comportant elles-mêmes des
risques : monitoring en continu, confinement au lit, péridurale car le
travail est généralement plus douloureux (l’ocytocine artificielle amène des
contractions plus fortes que la normale, la rupture des membranes peut rendre
les contractions plus douloureuse également)
· Augmente de façon générale l’utilisation des instruments
(forceps/ventouse)
· Risque accru de rupture utérine chez les femmes ayant déjà subi une
césarienne, le déclenchement médicamenteux est d’ailleurs considère comme
contre indiqué dans ce cas
· Pourrait affecter physiquement et émotivement le bébé dans les premiers
jours, mois et années de sa vie, puisqu’il a été ‘’bousculé’’ a sortir plus
rapidement de ce qui était prévu dans ses gènes
· Etc.
Alternatives
Lorsque la nature ne se décide
pas par elle –même et que nous voulons éviter une induction médicale, il existe
des alternatives tout à fait naturelles. En voici quelques unes :
· Ostéopathie
· Plantes médicinales
· Relation sexuelle (le sperme contient de la prostaglandine qui stimule
les contractions)
· Stimulation des mamelons (à partir de la 41 semaines)
· Acupuncture
· Suspensions pour aider bébé à s’appuyer sur le col
· Patience, confiance et le
laisser-aller
«Il faut essayer de rendre confiance aux
parents, et leur expliquer que la grossesse et la naissance sont des évènement
naturels qui méritent sans doute d’être surveillés en raison de nos exigences
de sécurité, mais qui ne nécessitent pas cet intense déploiement de techniques,
plus source d’inquiétudes que de vrai bénéfices.»Docteur Maria Gynecologue-Obtetricien
Réflexions
J’aimerais maintenant vous
partager mon cheminement par rapport à l’induction et la réflexion que je porte
maintenant sur ce sujet :
Juin 2007 13h00 j’ai rendez-vous
à l’hôpital pour être provoquée. Un premier bébé pour moi alors comme bien des
mamans je ne sais pas du tout a quoi m’attendre. On m’installe sous monitoring
et le médecin vient me rencontrer pour m’expliquer la procédure, j’en suis à 41
semaines et 1 jour. Je n’ai pas reçu de pitocin, on m’a fait un stripping et
inséré du gel près du col. A 17hrs le médecin à perçé la poche des eaux et là,
les vraies contractions ont commencé. Mon fils est né à 21h37 après 2hrs de
poussée, un beau bébé de 8lb et 10oz. J’ai perdu un peu plus de sang que la
normale et une déchirure au 4e degré. Je me retrouve donc en salle
d’opération pour une réparation du périnée. A partir de cet instant, j’ai
détesté mon accouchement être séparé de mon bébé pendant quelques heures a été
pour moi une véritable torture. Je me suis promis à ce moment-là que plus
jamais je ne vivrais ça.
Quelques années ont passé et je
deviens enceinte de mon deuxième garçon. Pour avoir les meilleures chances de
mon côté je décide de faire appel à une accompagnante à la naissance. Je veux
un accouchement 100% naturel et je ne veux surtout pas être provoquée et
revivre un autre accouchement semblable au premier. Je vis cette deuxième
grossesse difficilement. Je suis
épuisée, je contracte tout le long de la grossesse, des petites pertes de sang
et une humeur massacrante. Je n’ai qu’une envie c’est d’accoucher. Lorsque je me suis présentée au bureau du
médecin pour ma visite de routine, il a été très facile pour moi d’accepter le
stripping à 39 semaines et 5 jours. Mon accompagnante me suggérait plutôt de me
recentrer de connecter avec mon bébé. Le stripping m’a permis d’entrer en
contraction, de faibles contractions mais quand même, j’avais l’effet voulu. Le
médecin m’a rendu visite vers 9h45 pour me proposer de rompre les membranes et
de faire un autre stripping, plutôt que d’attendre, j’ai dit oui tout de suite.
Mon col était favorable, facilement étirable et la tête du bébé était bien
fixée. Une fois les membranes rompues, je suis rentré dans une vague d’intenses
contractions. Mon fils est né de façon naturelle à 11h53. J’étais très
heureuse, j’avais réussi. Quelques heures plus tard, on se rend compte que je
perds beaucoup de sang et que l’utérus ne contracte pas bien. Je fais une
hémorragie post-partum. J’ai perdu beaucoup de sang. On a massé mon utérus à
maintes reprises, j’ai reçu des injections pour stopper l’hémorragie rien à
faire. A 17hrs on me transfère en salle d’opération pour une révision utérine.
Mon hémoglobine se situait à 49 alors que
celui d’une femme en bonne santé, se situe aux alentours de 120. Encore
une fois, je suis privée des premiers instants avec mon
fils. Le lendemain j’ai dû recevoir 2 transfusions sanguines. Je suis faible et
il m’est incapable de me lever.
Karine Murphy, accompagnante à la naissance résume très bien l’état de
plusieurs femmes en fin de grossesse elle dit : « […]Même si la mère est fatigué, alourdie et tannée de sa grossesse
dans les dernières semaines, il serait salutaire qu’elle prenne un temps
d’arrêt pour réfléchir aux besoins de son bébé. Souvent, un bébé qui reste bien
au chaud a 39, 40 et 41sa, c’est qu’il en a encore besoin! La façon d’aborder
la fin de grossesse peut avoir un grand impact sur son déroulement. D’une part,
une femme qui est exaspéré du
poids de ses dernières semaines à être enceinte, risque de trouver le temps bien
plus long et de vivre ces derniers milles plus négativement. D’un autre côté,
Il faut voir si le bébé est prêt à sortir mais que la future mère, elle,
consciemment ou non, n’est pas prête a le laisser-aller, qu’elle est prise de
craintes ou d’appréhension qui ont un impact sur le processus normal. Bref,
lorsqu’on parle de déclenchement, l’aspect physique est à considérer mais
l’aspect psychologique n’est pas à négliger non plus! La décision d’y aller
avec l’induction devrait être prise cas par cas, après l’évaluation des
avantages et des inconvénients dans la situation donnée, selon l’état du bébé
et de la mère… »
Pourquoi cherchons nous à tout
contrôler même au niveau de la naissance est-ce une façon de dire à l’enfant
qu’il n’aura jamais son mot à dire?
«Le temps de notre mise au monde n’est pas un instant qui se passe et
dont on ne parle plus. Il tombe dans les ``oubliettes de notre inconscient``,
mais il demeure présent et nous façonne peut être plus que nous aimerions le
croire.» Corinne Marie, Psychologue
clinicienne
L’arbre et le fruit
J’ai lu récemment un chapitre du
livre Césariennes :
questions, effets, enjeux de Michel Odent
(obstétricien). Il nous dit : «
tous les fruits d’un même arbre ne sont pas mur en même temps. Un fruit cueilli
avant d'être mur ne sera jamais bon et se détériorera rapidement. Il en est de
meme pour un enfant. En d’autre termes, il était bien établi que certains bébés
ont besoin de plus de temps que d’autres pour être murs, prêt à naitre.» Michel
Odent mentionne aussi les risques de post-maturité, oui les risques sont bien
réels, mais ils sont habituellement surestimés. Il faut les confronter aux
risques lié au déclenchement. Est-il sage de déclencher un quart des
accouchements, afin de sauver un bébé sur mille? Ne peut-on pas envisager des
stratégies plus sélectives? La réponse est OUI.
Conclusion
J’ai beaucoup cheminé entre ces
deux expériences. Je n’étais pas consciente au moment de mes accouchements du
danger à vouloir tout contrôler et ce que je sais maintenant c’est que si un
jour la vie m’amène un troisième amour mes décisions seront complètement
différentes. Cette fois ci, je me permettrai d’attendre, attendre que mon bébé
sois prêt à faire sa rentrée dans le monde, je ne déciderai pas à sa place, je
lui laisserai du temps, pour lui et pour moi. Dans un moment de grande émotion,
j’ai demandé pardon à mes enfants, pardon de les avoir bousculés. Je comprends
aujourd’hui beaucoup plus le processus physiologique, l’impact de la naissance
sur le bébé et la maman et surtout l’impact des interventions. Je crois être en mesure de bien
transmettre ses informations aux futures mamans pour ainsi les amener à faire
des choix plus éclairés.
Un gros merci à Julie Charbonneau
de partager ainsi sa recherche. Si vous êtes intéressé à lire la version
intégrale de la recherche, vous pouvez la contacter directement pour lui demander.
La bibliographie et les
références de ce travail de recherche sont disponibles dans sa version
intégrale.
À la prochaine!
Comments
Post a Comment