Rebonjour! Pour ceux qui ont manqué la partie 1 et la partie 2 de mon petit cours d'histoire, j'ai trouvé un manuel de sages-femmes datant de 1758 le week-end dernier, et j'ai trouvé le contenu si intéressant que j'ai décidé d'en parler. Il a été écrit par une sage-femme française du nom de Angélique Marguerite Le Boursier Du Coudray (1712-1792) afin d'éduquer les sages-femmes à travers la France, qui souvent n'avaient pas vraiment de formation concrète.
La première partie traitait de la grossesse et des soins prodigués aux femmes durant cette période et la deuxième traitait de l'accouchement lui-même. Celle-ci traite des soins au bébé à son arrivée.
En premier lieu, je ne peux pas passer à côté d'une des préoccupations majeures de l'époque par rapport à la naissance: le baptême. Laisser un enfant mourir sans être baptisé était très grave, comme si c'était une âme perdue, condamnée à errer entre deux mondes. Dans les cas où l'enfant risquait de mourir avant d'être sorti, les sages-femmes pouvaient même les baptiser In Utero à l'aide d'une seringue spéciale.
Voici un extrait du livre concernant la baptême ''d'urgence'' :
«Lorsqu'un enfant reste trop longtemps au passage, on doit lui assurer la vie spirituelle par le baptême, ce qui se fit toujours sous condition, en lui versant de l'eau sur la tête, ou en lui faisant parvenir par une canule de seringue, & prononçant ces paroles: Enfant, si tu es vivant, je te baptise au nom du Pere, du Fils et du Saint-Esprit; & lorsqu'il sera porté à l'Église, on avertira le prêtre que l'enfant a été ondoyé.
Dans tous les accouchements contre-nature, aussi-tôt que l'on peut faire avancer un pied dans le passage, on doit donner à l'enfant le Baptême, avant que d'aller chercher l'autre pied; le temps que l'on mettoit pour le faire venir, pourroit priver l'enfant du bonheur éternel. C'est un des grands reproches que l'on puisse se faire, si l'on y manquoit. [...]» p.89-90
Madame Le Boursier Du Coudray donne aussi des conseils et instructions détaillés sur comment aller porter l'enfant vivant à l'Église le plus sécuritairement et efficacement possible, surtout si il faut s'y rendre durant la nuit, et ensuite des instructions sur comment présenter l'enfant au baptême.
En voici un extrait:
« Il est encore du devoir d'une Sage-femme, d'avoir soin, pendant l'hiver, de recommander aux Clercs de la Paroisse, de chauffer tant soit peu l'eau des Fonds, de sorte qu'elle soit un peu tiède, faute de cette précaution, l'enfant pourroit s'enrhumer, il pourroit même s'ensuivre des infirmités qui le conduiroient à la mort.
Quand une Sage-femme propose l'enfant pour le Baptême, elle doit détacher l'épingle du bonnet de dessous le menton, & ne point arrêter le maillot sous le col, afin de faciliter les onctions qui se font sur la poitrine & entre les deux épaules.
Quand elle présente l'enfant au Baptême, il faut qu'elle l'étende le long du bras gauche, en soutenant de la main la tête tant soit peu penchée sur la poitrine, ensorte que la tête soit un peu plus haute que les pieds.
Il se trouve des femmes si embarrassées qu'elles présentent l'enfant des deux mains, & par les épaules: cette attitude est si violente pour lui, qu'il devient sur le champ tout violet, parce qu'il n'a pas la force de tenir sa tête. Je dois tout ce détail à des Curés, qui, pénétré de sentiments d'humanité, m'ont prié d'en instruire mes Élèves.
C'est par cette considération que Mrs les Curés consentent volontiers que les Parrains & les Marraines se contentent de toucher l'enfant quand on le présente au Baptême, & regardent comme propre aux Sages-femmes d'avoir toutes les attentions. Ces Mrs savent aussi tous de quelle conséquence il est de ne pas verser l'eau de trop haut, comme aussi de trop appuyer sur la suture du crâne de l'enfant dans l'onction du saint Chrême.
Les Sages-femmes doivent encore s'intéresser à ce que les Accouchées ne fassent leur première sortie pour venir à l'Église, avant qu'elles soient bien remises. On ne sauroit comprendre combien ces pauvres femmes contractent d'infirmités à leur première sortie dans des temps de pluie ou de froid, ou par la lassitude à cause de la longueur du chemin, ou à cause du scrupule qu'elles se font de prendre quelque nourriture avant que d'avoir entendu la Messe. » p.7-9
Une fois la préoccupation du baptême réglée dans les cas plus critiques et une fois l'enfant né vivant, il faut maintenant s'en occuper. Madame Le Boursier Du Coudray détaille dans son livre la technique pour ligaturer à deux ou trois endroits à l'aide de fils de lin et ensuite couper le cordon ombilical de façon sécuritaire. Elle enchaîne ensuite en donnant des trucs pour raviver un enfant qui semble faible.
« Si avant de faire la première ligature, l'enfant donnoit des signes de foiblesse, on s'attacheroit à le forifier, en mettant autour du cordon, & même sur la tête, la poitrine & le ventre, des linges trempés dans du vin chaud ou de l'eau-de-vie; on lui souffleroit même quelques gouttes de ces liqueurs dans la bouche & dans le nez. On conseille aussi de faire écraser de l'oignon près des narines de l'enfant pour lui en faire recevoir l'odeur. Lorsque par ces différends moyens ses forces commenceront à revenir, ce dont on s'appercevra par les battements des arteres umbilicales, qui se feront sentir tout le long du cordon, ou par de petits soupirs entre-mêlés de sanglots, & enfin par les cris, on se disposera à faire la première ligature, & ensuite la seconde, pour couper le cordon entre les deux, comme je l'ai dit.
Si l'on avoit fait la ligature du cordon sans avoir fait attention à la foiblesse de l'enfant, joint à ce que je viens de dire que l'on lui feroit, on lui délieroit encore la ligature, & cette saignée par l'umbilic, d'environ douze gouttes de sang, le rappeleroit à la vie; c'est avec cette reccource que j'ai eu le bonheur de la rendre à plusieurs fois, à des enfants tout-à-fait abandonnés.» p.68-69
Je suis surprise de voir qu'elle avait réalisé l'importance de ne pas couper le cordon tout de suite si l'enfant semble faible. Elle n'explique pas vraiment pourquoi c'est mieux, et je ne pense pas qu'elle savait réellement la raison, elle dit juste que c'est conseillé. En fait, le fait de ne pas couper le cordon tout de suite permet à l'enfant de recevoir plus de sang, et donc d'être plus en forme et d'avoir plus de forces. Vous pouvez aller voir mon article à ce sujet ici.
Elle enchaîne ensuite dans son chapitre avec plusieurs cas concrets où le cordon a reçu de mauvais traitements et comment l'enfant a été traité, mais je vais vous épargner ces extraits, car certains m'ont donné mal au coeur par leur aspect barbare. Je n'arrive même pas à croire que ces cas ont pu arriver.
Une fois s'être assuré que le bébé le bien vivant, et le cordon traité, il fallait l'emmailloter et lui donner le reste des soins.
Voici un extrait intitulé De la maniere d'emmailloter l'enfant:
«On doit, de toute nécessité, laver la tête de l'enfant avec du vin chaud, & un peu de beurre frais, pour ôter l'rdure qui s'y rencontre assez souvent, & ne point le présenter pour recevoir le Baptême dans un état dégoutant. Si la maison étoit dénuée de tout, on le laveroit seulement avec de l'eau chaude. Pour le coëffer, on lui mettra une petite compresse de linge ou d'étoffe attachée à son béguin, afin de couvrir la fontaine. Cette précaution empêche que l'enfant ne s'enrhume. L'on nettoyera aussi le reste du corps de la crasse qui le couvre, avec du vin chaud et du beurre, au moyen d'une petite éponge fine ou d'un linge. On enveloppera le cordon avec un morceau de linge blanc & usé, sur lequel on aura mis un peu de beurre sans sel, d'huile ou de suif; ensuite on prendra un autre morceau de linge double, de quatre travers de doigt de largeur, pour lui faire une bande, qui étant passée sous les reins, reviendra assujetir pardevant la petite compresse qui renferme le cordon; un point d'aiguille en fait la façon & est préférable aux épingles. Cette bande est indispensable; on doit la serrer légérement; elle sert à contenir le nombril, qui pourroit sortir par les cris de l'enfant, & lui causer une hernie, incommodité que je vois tous les jours arriver, pour n'avoir pas eu cette attention.
La maniere de mettre l'enfant dans les langes, est meilleure dans ce pays qu'ailleurs; la bande qu'on ne doit pas trop serrer, finit aux genoux, & les jambes & les pieds sont toujours à l'aise dans le bout des langes, qui ne sont arrêtés qu'avec une épingle. Cette méthode est si bonne, qu'il est rare de voir ici des enfants qui soient bancroches.
On ne doit faire tetter l'enfant qu'au bout de vingt-quatre heures: cet intervalle lui fait dégorger les phlegmes, & pendant ce temps-là on lui donnera un peu de vin chaud avec du sucre, ou du sirop de chicorée composé de rhubarbe. On peut encore donner aux enfants de l'eau de miel, qui leur est très-bonne, elle est préférable au vin: on en trouve aisément dans les Campagnes. On Prendra une cuillerée de miel, que l'on fera bouillir dans deux verrées d'eau, parce qu'il faut que cette liqueur soit très-claire; on l'écumera et on la passera à travers un linge. Cette eau les purge très doucement & sans colique. Si le sirop & l'eau de miel n'avoient point opéré, l'on examineroit si l'anus est libre, & s'il etoit fermé par une membrane, ou autrement, on appeleroit un Chiurgien pour y remédier.
On recommandera enfin que l'enfant soit toujours couché sur le côté pour qu'il puisse rendre plus facilement les phlegmes qu'il doit rejetter; car souvent il en est suffoqué pour n'avoir pas eu cette précaution. » p.75-77
Pour ce qui est de l'emmaillotage, je comprends l'idée, et cette pratique est encore bien commune de nos jours. La différence majeure est la tension avec laquelle le bébé est emmailloté. La croyance populaire à l'époque était d'emmailloter le bébé en entier et assez serré dans ses langes, et dans la position la plus droite possible pour qu'il ait une bonne posture et un dos droit en grandissant. L'idée de base n'est pas folle, mais en forçant une position droite au bébé, on l'empêchait de se déplier à son rythme, et cette tension pouvait causer des problèmes au niveau des ligaments et des articulations, qui ne sont pas faites pour être dans cette position à un si jeune âge. Ce genre d'emmaillotage peut causer des problèmes comme des dysplasies de la hanche. Voici un site (en anglais) qui explique plus en détail le lien entre la dysplasie de la hanche et l'emmaillotage.
Outre leur façon peu ragoûtante de nettoyer l'enfant qui devait probablement le rendre encore plus graisseux qu'au départ, je suis choquée de savoir qu'ils ne laissaient pas téter l'enfant avant 24 heures. Connaissant l'importance d'un début d'allaitement précoce, je suppose que cette façon de procéder a été à l'origine de plus d'une mort pour cause d'hypoglycémie. Un peu de miel mélangé avec de l'eau ne peut simplement pas être assez pour sustenter un bébé pendant 24 heures... Je n'arrive pas non plus à croire qu'on puisse avoir eu l'idée de donner du vin à un nouveau-né!
Il y avait d'autres gestes posés sur le nouveau-né mentionnés ou non dans le livre, comme la pratique très commune à l'époque de remodeler manuellement le crâne du nouveau-né en le massant vigoureusement pour qu'il retrouve une belle forme ronde, qui ne pouvait certainement pas être bénéfique au bébé.
J'avais l'intention de parler des soins à la mère, de l'allaitement et des nourrices dans ce billet, mais comme il est déjà long, ça ira à la prochaine fois!
À la prochaine!
sources:
Le Boursier Du Coudray, Angélique Marguerite, Abrégé de l'art des accouchements, Bouchard libraire, imprimeur du Roi, 1758, ré-édition de 1773, ré-imprimé en 1976 par les éditions Roger Dacosta, 185 pages.
Images de Google et de http://les8petites8mains.blogspot.ca
La première partie traitait de la grossesse et des soins prodigués aux femmes durant cette période et la deuxième traitait de l'accouchement lui-même. Celle-ci traite des soins au bébé à son arrivée.
La naissance du nourrisson, 1789, artiste inconnu
En premier lieu, je ne peux pas passer à côté d'une des préoccupations majeures de l'époque par rapport à la naissance: le baptême. Laisser un enfant mourir sans être baptisé était très grave, comme si c'était une âme perdue, condamnée à errer entre deux mondes. Dans les cas où l'enfant risquait de mourir avant d'être sorti, les sages-femmes pouvaient même les baptiser In Utero à l'aide d'une seringue spéciale.
Voici un extrait du livre concernant la baptême ''d'urgence'' :
«Lorsqu'un enfant reste trop longtemps au passage, on doit lui assurer la vie spirituelle par le baptême, ce qui se fit toujours sous condition, en lui versant de l'eau sur la tête, ou en lui faisant parvenir par une canule de seringue, & prononçant ces paroles: Enfant, si tu es vivant, je te baptise au nom du Pere, du Fils et du Saint-Esprit; & lorsqu'il sera porté à l'Église, on avertira le prêtre que l'enfant a été ondoyé.
Dans tous les accouchements contre-nature, aussi-tôt que l'on peut faire avancer un pied dans le passage, on doit donner à l'enfant le Baptême, avant que d'aller chercher l'autre pied; le temps que l'on mettoit pour le faire venir, pourroit priver l'enfant du bonheur éternel. C'est un des grands reproches que l'on puisse se faire, si l'on y manquoit. [...]» p.89-90
Madame Le Boursier Du Coudray donne aussi des conseils et instructions détaillés sur comment aller porter l'enfant vivant à l'Église le plus sécuritairement et efficacement possible, surtout si il faut s'y rendre durant la nuit, et ensuite des instructions sur comment présenter l'enfant au baptême.
En voici un extrait:
« Il est encore du devoir d'une Sage-femme, d'avoir soin, pendant l'hiver, de recommander aux Clercs de la Paroisse, de chauffer tant soit peu l'eau des Fonds, de sorte qu'elle soit un peu tiède, faute de cette précaution, l'enfant pourroit s'enrhumer, il pourroit même s'ensuivre des infirmités qui le conduiroient à la mort.
Quand une Sage-femme propose l'enfant pour le Baptême, elle doit détacher l'épingle du bonnet de dessous le menton, & ne point arrêter le maillot sous le col, afin de faciliter les onctions qui se font sur la poitrine & entre les deux épaules.
Quand elle présente l'enfant au Baptême, il faut qu'elle l'étende le long du bras gauche, en soutenant de la main la tête tant soit peu penchée sur la poitrine, ensorte que la tête soit un peu plus haute que les pieds.
Il se trouve des femmes si embarrassées qu'elles présentent l'enfant des deux mains, & par les épaules: cette attitude est si violente pour lui, qu'il devient sur le champ tout violet, parce qu'il n'a pas la force de tenir sa tête. Je dois tout ce détail à des Curés, qui, pénétré de sentiments d'humanité, m'ont prié d'en instruire mes Élèves.
C'est par cette considération que Mrs les Curés consentent volontiers que les Parrains & les Marraines se contentent de toucher l'enfant quand on le présente au Baptême, & regardent comme propre aux Sages-femmes d'avoir toutes les attentions. Ces Mrs savent aussi tous de quelle conséquence il est de ne pas verser l'eau de trop haut, comme aussi de trop appuyer sur la suture du crâne de l'enfant dans l'onction du saint Chrême.
Les Sages-femmes doivent encore s'intéresser à ce que les Accouchées ne fassent leur première sortie pour venir à l'Église, avant qu'elles soient bien remises. On ne sauroit comprendre combien ces pauvres femmes contractent d'infirmités à leur première sortie dans des temps de pluie ou de froid, ou par la lassitude à cause de la longueur du chemin, ou à cause du scrupule qu'elles se font de prendre quelque nourriture avant que d'avoir entendu la Messe. » p.7-9
Retour de Baptême, par Hubert Salentin, 1859. Je sais que cette peinture date du 19eme et non du 18eme siècle, mais l'idée reste la même.
Une fois la préoccupation du baptême réglée dans les cas plus critiques et une fois l'enfant né vivant, il faut maintenant s'en occuper. Madame Le Boursier Du Coudray détaille dans son livre la technique pour ligaturer à deux ou trois endroits à l'aide de fils de lin et ensuite couper le cordon ombilical de façon sécuritaire. Elle enchaîne ensuite en donnant des trucs pour raviver un enfant qui semble faible.
« Si avant de faire la première ligature, l'enfant donnoit des signes de foiblesse, on s'attacheroit à le forifier, en mettant autour du cordon, & même sur la tête, la poitrine & le ventre, des linges trempés dans du vin chaud ou de l'eau-de-vie; on lui souffleroit même quelques gouttes de ces liqueurs dans la bouche & dans le nez. On conseille aussi de faire écraser de l'oignon près des narines de l'enfant pour lui en faire recevoir l'odeur. Lorsque par ces différends moyens ses forces commenceront à revenir, ce dont on s'appercevra par les battements des arteres umbilicales, qui se feront sentir tout le long du cordon, ou par de petits soupirs entre-mêlés de sanglots, & enfin par les cris, on se disposera à faire la première ligature, & ensuite la seconde, pour couper le cordon entre les deux, comme je l'ai dit.
Si l'on avoit fait la ligature du cordon sans avoir fait attention à la foiblesse de l'enfant, joint à ce que je viens de dire que l'on lui feroit, on lui délieroit encore la ligature, & cette saignée par l'umbilic, d'environ douze gouttes de sang, le rappeleroit à la vie; c'est avec cette reccource que j'ai eu le bonheur de la rendre à plusieurs fois, à des enfants tout-à-fait abandonnés.» p.68-69
Je suis surprise de voir qu'elle avait réalisé l'importance de ne pas couper le cordon tout de suite si l'enfant semble faible. Elle n'explique pas vraiment pourquoi c'est mieux, et je ne pense pas qu'elle savait réellement la raison, elle dit juste que c'est conseillé. En fait, le fait de ne pas couper le cordon tout de suite permet à l'enfant de recevoir plus de sang, et donc d'être plus en forme et d'avoir plus de forces. Vous pouvez aller voir mon article à ce sujet ici.
Elle enchaîne ensuite dans son chapitre avec plusieurs cas concrets où le cordon a reçu de mauvais traitements et comment l'enfant a été traité, mais je vais vous épargner ces extraits, car certains m'ont donné mal au coeur par leur aspect barbare. Je n'arrive même pas à croire que ces cas ont pu arriver.
Une fois s'être assuré que le bébé le bien vivant, et le cordon traité, il fallait l'emmailloter et lui donner le reste des soins.
Voici un extrait intitulé De la maniere d'emmailloter l'enfant:
«On doit, de toute nécessité, laver la tête de l'enfant avec du vin chaud, & un peu de beurre frais, pour ôter l'rdure qui s'y rencontre assez souvent, & ne point le présenter pour recevoir le Baptême dans un état dégoutant. Si la maison étoit dénuée de tout, on le laveroit seulement avec de l'eau chaude. Pour le coëffer, on lui mettra une petite compresse de linge ou d'étoffe attachée à son béguin, afin de couvrir la fontaine. Cette précaution empêche que l'enfant ne s'enrhume. L'on nettoyera aussi le reste du corps de la crasse qui le couvre, avec du vin chaud et du beurre, au moyen d'une petite éponge fine ou d'un linge. On enveloppera le cordon avec un morceau de linge blanc & usé, sur lequel on aura mis un peu de beurre sans sel, d'huile ou de suif; ensuite on prendra un autre morceau de linge double, de quatre travers de doigt de largeur, pour lui faire une bande, qui étant passée sous les reins, reviendra assujetir pardevant la petite compresse qui renferme le cordon; un point d'aiguille en fait la façon & est préférable aux épingles. Cette bande est indispensable; on doit la serrer légérement; elle sert à contenir le nombril, qui pourroit sortir par les cris de l'enfant, & lui causer une hernie, incommodité que je vois tous les jours arriver, pour n'avoir pas eu cette attention.
La maniere de mettre l'enfant dans les langes, est meilleure dans ce pays qu'ailleurs; la bande qu'on ne doit pas trop serrer, finit aux genoux, & les jambes & les pieds sont toujours à l'aise dans le bout des langes, qui ne sont arrêtés qu'avec une épingle. Cette méthode est si bonne, qu'il est rare de voir ici des enfants qui soient bancroches.
On ne doit faire tetter l'enfant qu'au bout de vingt-quatre heures: cet intervalle lui fait dégorger les phlegmes, & pendant ce temps-là on lui donnera un peu de vin chaud avec du sucre, ou du sirop de chicorée composé de rhubarbe. On peut encore donner aux enfants de l'eau de miel, qui leur est très-bonne, elle est préférable au vin: on en trouve aisément dans les Campagnes. On Prendra une cuillerée de miel, que l'on fera bouillir dans deux verrées d'eau, parce qu'il faut que cette liqueur soit très-claire; on l'écumera et on la passera à travers un linge. Cette eau les purge très doucement & sans colique. Si le sirop & l'eau de miel n'avoient point opéré, l'on examineroit si l'anus est libre, & s'il etoit fermé par une membrane, ou autrement, on appeleroit un Chiurgien pour y remédier.
On recommandera enfin que l'enfant soit toujours couché sur le côté pour qu'il puisse rendre plus facilement les phlegmes qu'il doit rejetter; car souvent il en est suffoqué pour n'avoir pas eu cette précaution. » p.75-77
Madame Privat de Molières et ses filles, par Antoine Raspail, vers 1775-1780. Ok, ce bébé n'est pas un nouveau-né, mais l'image montre bien le genre d'emmaillotement qu'ils faisaient.
Jumeaux emmaillotés
Pour ce qui est de l'emmaillotage, je comprends l'idée, et cette pratique est encore bien commune de nos jours. La différence majeure est la tension avec laquelle le bébé est emmailloté. La croyance populaire à l'époque était d'emmailloter le bébé en entier et assez serré dans ses langes, et dans la position la plus droite possible pour qu'il ait une bonne posture et un dos droit en grandissant. L'idée de base n'est pas folle, mais en forçant une position droite au bébé, on l'empêchait de se déplier à son rythme, et cette tension pouvait causer des problèmes au niveau des ligaments et des articulations, qui ne sont pas faites pour être dans cette position à un si jeune âge. Ce genre d'emmaillotage peut causer des problèmes comme des dysplasies de la hanche. Voici un site (en anglais) qui explique plus en détail le lien entre la dysplasie de la hanche et l'emmaillotage.
Outre leur façon peu ragoûtante de nettoyer l'enfant qui devait probablement le rendre encore plus graisseux qu'au départ, je suis choquée de savoir qu'ils ne laissaient pas téter l'enfant avant 24 heures. Connaissant l'importance d'un début d'allaitement précoce, je suppose que cette façon de procéder a été à l'origine de plus d'une mort pour cause d'hypoglycémie. Un peu de miel mélangé avec de l'eau ne peut simplement pas être assez pour sustenter un bébé pendant 24 heures... Je n'arrive pas non plus à croire qu'on puisse avoir eu l'idée de donner du vin à un nouveau-né!
Il y avait d'autres gestes posés sur le nouveau-né mentionnés ou non dans le livre, comme la pratique très commune à l'époque de remodeler manuellement le crâne du nouveau-né en le massant vigoureusement pour qu'il retrouve une belle forme ronde, qui ne pouvait certainement pas être bénéfique au bébé.
J'avais l'intention de parler des soins à la mère, de l'allaitement et des nourrices dans ce billet, mais comme il est déjà long, ça ira à la prochaine fois!
À la prochaine!
sources:
Le Boursier Du Coudray, Angélique Marguerite, Abrégé de l'art des accouchements, Bouchard libraire, imprimeur du Roi, 1758, ré-édition de 1773, ré-imprimé en 1976 par les éditions Roger Dacosta, 185 pages.
Images de Google et de http://les8petites8mains.blogspot.ca
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